L'inventeur de villes, publié chez Gaussen en 2013, est toujours disponible chez les "bons libraires" et directement chez l'éditeur David Gaussen, auprès de qui on peut se le procurer, soit en passant dans sa boutique au 37, rue du Côteau, Marseille 7e, soit en l'appelant au 06 99 56 47 97, soit en lui adressant un mail à david.gaussen@gmail.com ou en allant sur le site des éditions Gaussen www.editionsgaussen.fr. Vous pouvez aussi bien sûr via le formulaire de contact de ce blog m'en commander un exemplaire. Aux dernières nouvelles, le bouquin coûtait toujours 12 euros et comptait 112 pages sur un très beau papier bouffant au format 140 x205 mm. A la jaquette très réussie, illustrée d'une oeuvre du peintre Yves Krief, je me suis permis d'adjoindre pour cette parution en feuilleton des jaquettes "personnalisées" qui changeront à chaque épisode.
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13 - AKADEMGORODOK
Ah, voilà une cité à nulle autre pareille. Née d’un parti-pris pour le moins intéressant. Akademgorodok est une ville russe, ou, pourrait-on dire, même si l’Union Soviétique n’existe plus, une ville soviétique. Un étrange morceau de Sibérie, une extension très particulière de sa grande voisine, Novossibirsk. Akademgorodok a été fondée dans les années 1950 par l’Académie des Sciences soviétique, avec un but, une mission : être la ville du développement scientifique. Dans les années 60 et 70, à la « grande époque » de l’Union Soviétique, près de 100.000 chercheurs et leurs familles vivaient là, dans le confort maximum que pouvait offrir l’URSS. Certes, ce n’était pas la Silicon Valley : pas d’enrichissement à outrance en perspective, pas de cocotiers sur fond de plage pacifique. Juste l’expression d’un élitisme encadré, volontariste et défini comme étant au service des autres. L’élitisme est un concept qui a toujours fait peur. Peur aux masses évidemment, mais peur aussi à l’élite elle-même, dès lors que cet élitisme se traduit en terme scientifique, une élite dans l’élite. Ceux qui savent… Ceux qui savent sont dangereux, il s’agit donc pour les autres de les maîtriser, de les encadrer, de les tenir en laisse, de les rendre utiles, ou au minimum inoffensifs. L’Occident a choisi pour cela la carotte et le bâton, la méthode a fait ses preuves, mais comme ceux qui savent sont plus intelligents que la moyenne, nécessairement, carottes et bâtons peuvent prendre des formes très sophistiquées. Tant que les princes (de la finance, de l’industrie, de la politique, de la religion, etc) peuvent continuer à exercer leur pouvoir, tous les moyens sont bons pour gérer les élites intellectuelles, du mépris à l’adulation, du pont d’or à la prison, du respect à l’instrumentation. Les Soviétiques sont allés au plus court pour domestiquer leur élite scientifique, pour la dompter. Avec un certain brio ils avaient fait le pari qu’en les réunissant en grand nombre à Akademgorodok il en sortirait des étincelles utiles pour toute la nation. S’agissait-il réellement d’une volonté de progrès, ou plus prosaïquement d’une façon de tenir sous la coupe du régime quelques zozos potentiellement dangereux ? Un peu des deux sans doute. A la chute de l’URSS, Akademgorodok, en grande partie privée des subsides d’état qui la faisaient vivre, a bien failli disparaître sur l’autel de la liberté politique. Mais la nature scientifique a elle aussi horreur du vide et la masse de matière grise concentrée là, dans la forêt sibérienne, n’a pas laissé indifférentes les grandes entreprises high-tech du soit-disant « monde libre ». Akademgorodok a su se reconvertir et glaner le fric là où il fallait. Les scientifiques y dorment toujours sur leurs deux oreilles, au sein d’un territoire urbain toujours voué à la recherche, surnommé désormais « Silicon Forest ».
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Prochaine étape : Paris.