L'inventeur de villes, publié chez Gaussen en 2013, est toujours disponible chez les "bons libraires" et directement chez l'éditeur David Gaussen, auprès de qui on peut se le procurer, soit en passant dans sa boutique au 37, rue du Côteau, Marseille 7e, soit en l'appelant au 06 99 56 47 97, soit en lui adressant un mail à david.gaussen@gmail.com ou en allant sur le site des éditions Gaussen www.editionsgaussen.fr. Vous pouvez aussi bien sûr via le formulaire de contact de ce blog m'en commander un exemplaire. Aux dernières nouvelles, le bouquin coûtait toujours 12 euros et comptait 112 pages sur un très beau papier bouffant au format 140 x205 mm. A la jaquette très réussie, illustrée d'une oeuvre du peintre Yves Krief, je me suis permis d'adjoindre pour cette parution en feuilleton des jaquettes de mon cru qui changeront à chaque "épisode".
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02 - MARSEILLE (00)
La balade de l'été 1975, pas celle qu'a chantée CharlElie Couture, on n'a pas "loué une maison pas très loin d'Avignon", non, pour nous c'était celle de la carte "Inter-Rail", l'été du « Grand Voyage »... A l’époque, il n’y avait pas d’ordinateurs individuels, pas de wi-fi ni de cybercafés, pas de cartes bancaires, et, évidemment, pas de téléphones portables. J’avais 16 ans, mes potes 16, 17 et 18. Quatre garçons lâchés dans le vent d’une décennie prodigieuse, commencée dans l’été des fleurs, le mouvement beatnik et les révolutions de 1968, et qui a mis quinze ans à comprendre que l’âge d’or s’était terminé en 72 avec la prise d’otage des Jeux de Münich et en 73 avec le premier choc pétrolier. En 75, on rêvait encore, le monde était beau, les Européens gentils et les Autres, tous les Autres, nous aimaient…
On était des enfants du sud de l’Europe. Du coup, la Méditerranée, on s’en foutait un peu, à quoi ça nous aurait servi d’aller en Italie ou en Espagne ? On connaissait, c’était comme chez nous. Nous, ce qu’on voulait, c’était voir le Grand Nord, voir ce qu’il y avait derrière le Rideau de Fer, et aussi ce qui était plus à l’ouest que nous, avec l’Amérique en face. Le premier jour on a donc tracé. Destination Zagreb, via Venise, comme n'allait pas tarder à le fredonner Nicolas Peyrac. Le périple ensuite fut Berlin (Est compris, évidemment), les pays scandinaves (Copenhague, Stockholm, Oslo, et Trondheim, notre esquisse de Grand Nord), puis Amsterdam, Bruxelles et Ostende, parce que bien obligé de prendre le bateau pour traverser la Manche : Londres, Edimbourg, puis Belfast, en guerre civile (période de cessez-le-feu), Dublin, les falaises de Mohair avec l’Amérique en point de mire, et retour au bercail à l’arrache, de train de nuit en train de nuit. Oui, La balade de l’été 75. Celle qui pour 500 balles nous a fait croiser les mythes de notre époque, tous ceux qui se trouvaient à portée de rail : les pays communistes et le rideau de fer, la guerre civile irlandaise, les filles de Scandinavie, les canaux d'Amsterdam.
L’été 75 fut ainsi pour moi l’été de toutes les villes, l’été qui m’a initié à cette passion des néons et des bistrots, à cet amour des immeubles, à ce goût pour le parfum des gaz d’échappement, pour la rumeur des camions-bennes, des klaxons et des sonneries d’école mêlés, la rumeur de l’urbain, la rumeur de la vie. Ici et là les villes n’ont pas le même son, pas la même odeur, pas la même lumière, mais elles sont toutes le même creuset d’humanité, l’endroit où naissent et meurent des idées, des civilisations, l’endroit où se forgent les futurs et où meurent les passés, panthéonisés, cathédralisés, muséifiés.
Marseille n’échappe pas à la règle urbaine, petite parcelle encore méditerranéenne, lovée dans une France castratrice et anti-urbaine, qui, en plus de mille ans d’occupation, n’est pas encore parvenue à lui arracher son âme. Ni son âme de ville, ni son âme latine. Ainsi que le proclame sa devise : "Actibus immensis urbs fulget Massiliensis". La ville de Marseille resplendit par ses hauts faits.
Voilà pour cette introduction urbaine. Le lecteur aura donc compris que l’auteur les aime toutes, mais que celle qui l’a forgé, la ville où il rentre au port, est cette cité de 2600 ans d’âge, Marseille, héritière de civilisations disparues qui a tant de mal aujourd’hui à faire entendre sa voix dans le concert de la Ville Eternelle et dans celui, plus technocratique et moderne, de la Ville Globale.
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Prochaine étape : New York.